HYDROCARBURES:La réalité des réserves en Algérie et ...
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HYDROCARBURES:La réalité des réserves en Algérie et ...
La réalité des réserves en Algérie et le non-événement du baril à 100$
«La flambée des matières premières ne doit donc pas être interprétée comme le symptôme bénin d’une forte conjoncture mondiale, mais devrait être un signal d’alerte. Le monde des matières premières est versatile, peu transparent, dangereux même, et cela devrait nous inciter à nous affranchir, au plus vite, d’une trop forte dépendance de la principale d’entre elles, le pétrole.»
Pierre Veya (Le Temps, 3 janvier 2008)
Le 2 janvier 2008, les médias occidentaux affolaient -à tort- le monde en annonçant le franchissement «mythique», pour eux, de la barre des 100 dollars le baril. Ils se gardent naturellement bien d’expliquer comment on en est arrivé là. Pourtant, «les fondamentaux ne justifient pas des prix du pétrole élevés. L’approvisionnement mondial est suffisant», avait indiqué le 28 novembre le ministre saoudien du Pétrole Ali Al-Naimi, lors d’un forum sur l’énergie à Singapour. «Il n’y a pas de relation entre les fondamentaux actuels et les prix du pétrole, il y a un décalage».
Par ailleurs, un débat a eu lieu ces temps derniers entre deux pétroliers avertis, ayant chacun sa vision du patrimoine énergétique de l’Algérie. Nous allons contribuer en versant à ce débat quelques données objectives qui permettront, je l’espère, de clarifier la réalité des réserves et les enjeux qu’elle doit sous-tendre.
S’agissant du non-événement constitué par le baril à 100 dollars, regardons ce que nous pouvons faire avec 159 litres de pétrole. Dans mes enseignements, je demande à mes élèves-ingénieurs de comparer les possibilités extraordinaires du baril par exemple en termes de production d’essence, kérosène, gasoil, soit l’équivalent en produits raffinés de 250 dollars pour un baril qui, jusqu’à présent, était payé en monnaie de singe. De plus, est-ce trop cher payé 100 dollars c’est-à-dire en fait 66 euros le baril, moins que 50 millilitres de parfum «L’air du Temps» ou encore «Chanel n°5». Imaginons une voiture qui consomme 8 litres d’essence aux 100km. Pour 1 litre, la voiture parcourt 12km. Pour pouvoir la tirer sur 12km, il faut au moins le travail de quatre à cinq chevaux. C’est dire si le pétrole et ses dérivés sont très mal évalués en termes de coût. Dès 1974, le regretté président Houari Boumediène avait attiré l’attention dans un célèbre discours à la tribune des Nations unies sur la détérioration des termes de l’échange. Les pays du Sud vendent leurs matières premières aux prix fixés par les pays développés....chez eux!! (Bourses de Londres, New York, Rotterdam).
De record en record
Après un précédent record datant du 21 novembre 2007 (99,29 dollars), le baril de brut (Light sweet crude, 159 litres, livraison février), a finalement réussi à atteindre le 2 janvier la barre symbolique des 100 dollars. Les observateurs s’attendent à ce que ce prix élevé se maintienne au moins pour 2008...Le niveau atteint est celui de 1980. Ce prix n’a pas d’incidence majeure sur les économies européennes du fait de la chute continue du dollar. En 2006, selon les statistiques américaines, les Etats-Unis restaient les premiers consommateurs de pétrole avec plus de 20 millions de barils exploités par jour! La Chine était en deuxième position avec plus de 7 millions de barils consommés par jour.
Il ne faut pas croire ou laisser croire, comme le fait la presse occidentale, qu’il n’y a que les potentats arabes à s’enrichir. Il est vrai que les fonds des Etats pétroliers du Moyen-Orient évalués à 4000 milliards de dollars sont placés dans des niches sûres: l’immobilier, et la prise de participation dans des multinationales. Les Multinationales ont aussi profité: Exxon a gagné, en 2006, 37 milliards de dollars. Une fois par an, Total communique sa «sensibilité» aux variations du baril. Pour 2007, l’estimation de la compagnie française prévoit que lorsque le baril de brent gagne un dollar, son résultat opérationnel net s’apprécie de 150 millions d’euros. En 2007, elle a gagné plus d’un milliard de dollars par mois, soit 1,2 million de dollar à l’heure ou encore 20.000 dollars à la minute contre 60.000 dollars pour Exxon pour 120.000 salariés dont des centres de recherche de plusieurs milliers de chercheurs. L’Algérie a engrangé 80 000 dollars /minute dus à sa manne divine pétrolière. Les Etats s’enrichissent aussi à travers les taxes. A titre d’exemple, l’Etat français avec 17,5 milliards attendus cette année; les revenus tirés du pétrole par la France constituent le quatrième poste de recettes fiscales, soit 7,5% de son budget global. À cette somme s’ajoutent les quelque 5 milliards supplémentaires perçus directement par les régions.
Le franchissement de ce «seuil» relève donc avant tout d’une tendance lourde qui trouve son origine dans de multiples facteurs: le pétrole, qui est une ressource non renouvelable. Claudia Kemfert, experte de l’institut de conjoncture allemand DIW, interrogée par le Berliner Zeitung, juge que le prix du baril pourrait doubler dans dix ans car «les réserves de pétrole s’amenuisent de plus en plus, et cela va faire monter les prix». Les investissements pour extraire le pétrole requièrent de plus en plus de technicité et sont de plus en plus coûteux, car les ressources restantes sont plus difficiles d’accès. Le monde est en proie à de nombreuses instabilités géopolitiques notamment dans les grandes régions productrices de pétrole comme le Moyen-Orient et l’Afrique Accroissement de la demande issue de marchés à très forte croissance comme la Chine (la consommation de pétrole y a doublé en dix ans) ou l’Inde qui se traduit notamment par une augmentation inquiétante du nombre de véhicules. Ainsi, on estime qu’il existe aujourd’hui près d’un milliard de véhicules dans le monde. Or, de 1955 à 2005, l’augmentation de leur nombre a été environ trois fois plus rapide que la croissance de la population!
Une autre raison majeure concerne la détérioration lente et inexorable du dollar face à l’euro. De plus, ce sont toutes les matières premières qui subissent cette envolée de plus de 50% depuis quelques mois. Les records atteints par les cours des matières premières sont d’abord dus à la demande des pays émergents, la Chine en tête. L’once de métal jaune a atteint, jeudi 3 janvier, sur le marché londonien, 863,11 dollars, le cours le plus élevé de son histoire. Son précédent record (850 dollars) remontait au 21 janvier 1980, et à 33 dollars en 1971, époque à laquelle le président Nixon décide de «faire flotter le dollar». Nous le voyons aussi avec les produits agricoles où, curieusement, aucune publicité n’est faite. Attirés par l’appât du gain, fonds de pension et hedge funds contribuent à l’accélération des prix. Les spéculateurs contribuent à accélérer la hausse. Que ce soit pour les métaux, l’énergie ou les denrées agricoles, la spéculation financière n’est certainement pas étrangère à la violence des chocs, considère Alexandre Mirlicourtois. Les spéculateurs, hedge funds et fonds de pension en tête, sont présents sur tous les marchés, actions, de change ou de la dette. Ils sont d’autant plus présents sur le pétrole ou le blé aujourd’hui que les places boursières et les marchés du crédit sont perturbés par la crise du subprime.(1)
Selon Manfred Kriener, ce ne sont pas les spéculations sur le marché de l’énergie ou les «distorsions géopolitiques» qui auraient fait exploser le cours du pétrole. «Les fournisseurs ont du mal à satisfaire la hausse de la demande. La production est proche de son point culminant, le tristement célèbre pic pétrolier, et commencera à fléchir après 2010. Le monde n’est pas préparé à un tel événement. Le cours du pétrole pourrait atteindre 200 dollars, une somme qui semble aujourd’hui inimaginable. Il y a un an, on pensait la même chose lorsqu’on évoquait un cours à 100 dollars.»(2).
Le deuxième sujet qui intéresse directement les Algériens concerne l’état des réserves des hydrocarbures. Il est admis que les réserves déclarées par les Etats et même par certaines compagnies sont surévaluées. Discrètement admise depuis toujours par les connaisseurs du monde pétrolier, la falsification des données officielles sur les réserves de pétrole encore disponibles est générale et systématique, dénonce l’Aspo. L’Aspo met le monde en garde: le peak oil entraînera un choc pétrolier permanent aux conséquences vertigineuses.
«Aujourd’hui, je crois que le peak oil ne pourra être correctement prédit qu’une fois qu’il aura déjà eu lieu. Ce qui est certain, c’est qu’il va arriver». Le géologue Laherrère précise: «Aujourd’hui, il est impossible pour un pétro-géologue de parler ouvertement du peak oil s’il n’est pas à la retraite. 46% des réserves du Moyen-Orient seraient "douteuses" D’après les données de référence reprises par le groupe anglais BP dans son rapport 2003 sur l’énergie mondiale, l’Arabie Saoudite est passée, entre 1985 et 1990, de 169 milliards de barils de réserves "prouvées" de pétrole conventionnel à...258 milliards, soit 50% de plus! Tous les principaux pays producteurs de l’Opep sont dans la même situation: Abu Dhabi (30 milliards de barils déclarés en 1985 contre 92 milliards en 1988), Iran (48 milliards en 1985, 92 milliards en 1988), Irak (44 milliards en 1985, 100 milliards en 1988), etc. Le tout sans qu’aucune découverte significative de nouveaux champs pétrolifères n’ait eu lieu dans ces pays au cours de la période...Au total, selon Colin Campbell, de l’Aspo, 46% des ressources actuelles déclarées par les principaux pays de l’Opep sont "douteuses, sinon fausses"».
Des réserves «prouvées» bien subjectives.
Les chiffres officiels sur les réserves «restant à découvrir» sont exprimés à travers trois valeurs différentes, appelées F95, F50 et F5. La première indique la quantité de pétrole disponible avec une probabilité de 95%, la seconde avec une probabilité de 50%, la troisième avec 5%. Pour l’Algérie, les données de référence publiées par l’organisme officiel américain USGS (United States Geological Survey) indiquent que ce pays a: 95% de chances de découvrir encore 1,7 milliard de barils de pétrole conventionnel; 50% de chances de découvrir 6,9 milliards de barils; 5% de chances d’en découvrir 16,3 milliards. Or, dans les rapports sur lesquels s’appuient les gouvernements, les banques ou les actionnaires, on ne retient en général qu’une valeur médiane, appelée «Mean», entre les trois niveaux de probabilité. Pour l’Algérie, cela donne 7,7 milliards de barils. Peu importe qu’un rapport de presque 1 à 10 sépare F95 et F5.(3). Selon le rapport récent de la «Colorado School of Mines» intitulé «The World`s Giant Oilfields», «les 120 champs pétrolifères les plus importants produisent près de 33 millions de barils par jour, soit presque 50% de l’offre brute mondiale. Plus de 20% de la production proviennent des quatorze premiers champs. L’âge moyen de ces quatorze premiers champs est de 43,5 ans». «La plupart des champs géants ont été découverts il y a plusieurs décennies déjà.» Bien que les principales compagnies pétrolières aient investi des centaines de milliards de dollars ces 20 dernières années, les résultats ont déçu de manière alarmante. Les principales compagnies pétrolières mondiales? ExxonMobil, Shell, Chevron-Texaco, BP, ElfTotal et d’autres ont investi des centaines de milliards de dollars afin de trouver assez de pétrole pour remplacer les puits existants. De 1996 à 1999, 145 compagnies ont dépensé 410 milliards de dollars pour que leurs découvertes de champs pétrolifères leur permettent de maintenir leur production journalière à 30 millions de barils par jour. De 1999 à 2002, les cinq premières compagnies ont dépensé 150 milliards de dollars et leur production n’est passée que de 16 millions à 16,6 millions de barils par jour, augmentation dérisoire.(4)
Il est vrai, comme le pense monsieur Abdelmadjid Attar, ancien P-DG de Sonatrach, ancien ministre, qu’à ce rythme d’exploitation nous en aurons que pour 18 ans. Si on ne fait rien, nous pourrons aller vers un point de non-retour et peut-être que le peak oil est derrière nous. Il est vrai aussi, comme le dit le ministre de l’Energie et des Mines, président en exercice de l’Opep, le Sahara peut receler des surprises. Ce qui est pratiquement sûr est que l’on ne découvrira pas un second Hassi Messaoud ou un second Hass R’mel. Notre densité de forages est faible «on est très loin de la moyenne mondiale, 100 puits par 10.000 kilomètres carrés.» Il y a donc du pétrole à découvrir. Un potentiel de 28 milliards de baril. Rien n’est moins certain qu’un potentiel. De plus, l’Algérie de 2030 c’est 50 millions d’habitants au minimum et au «fil de l’eau» c’est 50 millions de t.e.p. D’où allons-nous les chercher? Une étude de l’AIE de novembre 2006, ne parle plus de l’Opep comme pays exportateur après 2030, la production plafonnerait à 0,7 million de barils/jour, insuffisants pour subvenir à nos besoins.(5)
La situation du gaz, en l’absence de découvertes majeures, sera aussi préoccupante dans 25 ans à ce rythme d’exploitation qui atteindra les 100 milliards de volume d’exportation, sans compter les 20 milliards de m3 de demande intérieure à cet horizon. En 2030, il faudrait produire 60 tWh. Les centrales fonctionneront-elles au gaz naturel à l’uranium ou seront-elles des centrales électro-solaires? Autant d’interrogations actuellement sans réponse.
Le moment est plus que venu de faire un break et de savoir où l’on va. Il nous faut prendre des décisions courageuses qui ne compromettent pas l’avenir des prochaines générations. Notre meilleure banque, c’est encore notre sous-sol et, contrairement aux 120 milliards de dollars qui se déprécient journellement, le pétrole et le gaz dans le sous-sol sont comme l’or, leur prix n’ira qu’en augmentant. Nous devons, par simple bon sens, freiner ce pompage. J’en appelle à des «Etats généraux» pour un cap énergétique de l’Algérie. Nous n’en sommes pas aux polémiques. Nous devons penser aux générations futures. Elles sont partie prenante et devraient d’une façon ou une autre donner leur avis. Tous les départements ministériels à des degrés divers devraient participer, notamment le ministère de l’Environnement et celui de l’Energie et des Mines: les chevilles ouvrières de la nouvelle vision à imprimer en vue d’arriver véritablement à une stratégie constamment adaptable à la conjoncture et aux convulsions du monde.
* Ecole nationale polytechnique
* Ecole d´ingénieurs de Toulouse
1.L’Expansion 13/09/2007, Les spéculateurs font-ils flamber le blé et le pétrole?
2.Manfred Kriener, Die tageszeitung dans Courrier International du 3 janvier 2008.
3.Matthieu Auzanneau, Les réserves de pétrole sont dangereusement surévaluées, dénonce un groupe d’experts http://www.dossiersdunet.com/spip.php?article129 9 avril 2004,
4.Pétrole bon marché, déjà le début de la fin http://forum.hardware.fr/hfr/Discussions/Sciences/petrole-marche-debut-sujet_25899_1.htm
5.World Energy Outlook Novembre 2006
Pr Chems Eddine CHITOUR in http://www.lexpressiondz.com/
«La flambée des matières premières ne doit donc pas être interprétée comme le symptôme bénin d’une forte conjoncture mondiale, mais devrait être un signal d’alerte. Le monde des matières premières est versatile, peu transparent, dangereux même, et cela devrait nous inciter à nous affranchir, au plus vite, d’une trop forte dépendance de la principale d’entre elles, le pétrole.»
Pierre Veya (Le Temps, 3 janvier 2008)
Le 2 janvier 2008, les médias occidentaux affolaient -à tort- le monde en annonçant le franchissement «mythique», pour eux, de la barre des 100 dollars le baril. Ils se gardent naturellement bien d’expliquer comment on en est arrivé là. Pourtant, «les fondamentaux ne justifient pas des prix du pétrole élevés. L’approvisionnement mondial est suffisant», avait indiqué le 28 novembre le ministre saoudien du Pétrole Ali Al-Naimi, lors d’un forum sur l’énergie à Singapour. «Il n’y a pas de relation entre les fondamentaux actuels et les prix du pétrole, il y a un décalage».
Par ailleurs, un débat a eu lieu ces temps derniers entre deux pétroliers avertis, ayant chacun sa vision du patrimoine énergétique de l’Algérie. Nous allons contribuer en versant à ce débat quelques données objectives qui permettront, je l’espère, de clarifier la réalité des réserves et les enjeux qu’elle doit sous-tendre.
S’agissant du non-événement constitué par le baril à 100 dollars, regardons ce que nous pouvons faire avec 159 litres de pétrole. Dans mes enseignements, je demande à mes élèves-ingénieurs de comparer les possibilités extraordinaires du baril par exemple en termes de production d’essence, kérosène, gasoil, soit l’équivalent en produits raffinés de 250 dollars pour un baril qui, jusqu’à présent, était payé en monnaie de singe. De plus, est-ce trop cher payé 100 dollars c’est-à-dire en fait 66 euros le baril, moins que 50 millilitres de parfum «L’air du Temps» ou encore «Chanel n°5». Imaginons une voiture qui consomme 8 litres d’essence aux 100km. Pour 1 litre, la voiture parcourt 12km. Pour pouvoir la tirer sur 12km, il faut au moins le travail de quatre à cinq chevaux. C’est dire si le pétrole et ses dérivés sont très mal évalués en termes de coût. Dès 1974, le regretté président Houari Boumediène avait attiré l’attention dans un célèbre discours à la tribune des Nations unies sur la détérioration des termes de l’échange. Les pays du Sud vendent leurs matières premières aux prix fixés par les pays développés....chez eux!! (Bourses de Londres, New York, Rotterdam).
De record en record
Après un précédent record datant du 21 novembre 2007 (99,29 dollars), le baril de brut (Light sweet crude, 159 litres, livraison février), a finalement réussi à atteindre le 2 janvier la barre symbolique des 100 dollars. Les observateurs s’attendent à ce que ce prix élevé se maintienne au moins pour 2008...Le niveau atteint est celui de 1980. Ce prix n’a pas d’incidence majeure sur les économies européennes du fait de la chute continue du dollar. En 2006, selon les statistiques américaines, les Etats-Unis restaient les premiers consommateurs de pétrole avec plus de 20 millions de barils exploités par jour! La Chine était en deuxième position avec plus de 7 millions de barils consommés par jour.
Il ne faut pas croire ou laisser croire, comme le fait la presse occidentale, qu’il n’y a que les potentats arabes à s’enrichir. Il est vrai que les fonds des Etats pétroliers du Moyen-Orient évalués à 4000 milliards de dollars sont placés dans des niches sûres: l’immobilier, et la prise de participation dans des multinationales. Les Multinationales ont aussi profité: Exxon a gagné, en 2006, 37 milliards de dollars. Une fois par an, Total communique sa «sensibilité» aux variations du baril. Pour 2007, l’estimation de la compagnie française prévoit que lorsque le baril de brent gagne un dollar, son résultat opérationnel net s’apprécie de 150 millions d’euros. En 2007, elle a gagné plus d’un milliard de dollars par mois, soit 1,2 million de dollar à l’heure ou encore 20.000 dollars à la minute contre 60.000 dollars pour Exxon pour 120.000 salariés dont des centres de recherche de plusieurs milliers de chercheurs. L’Algérie a engrangé 80 000 dollars /minute dus à sa manne divine pétrolière. Les Etats s’enrichissent aussi à travers les taxes. A titre d’exemple, l’Etat français avec 17,5 milliards attendus cette année; les revenus tirés du pétrole par la France constituent le quatrième poste de recettes fiscales, soit 7,5% de son budget global. À cette somme s’ajoutent les quelque 5 milliards supplémentaires perçus directement par les régions.
Le franchissement de ce «seuil» relève donc avant tout d’une tendance lourde qui trouve son origine dans de multiples facteurs: le pétrole, qui est une ressource non renouvelable. Claudia Kemfert, experte de l’institut de conjoncture allemand DIW, interrogée par le Berliner Zeitung, juge que le prix du baril pourrait doubler dans dix ans car «les réserves de pétrole s’amenuisent de plus en plus, et cela va faire monter les prix». Les investissements pour extraire le pétrole requièrent de plus en plus de technicité et sont de plus en plus coûteux, car les ressources restantes sont plus difficiles d’accès. Le monde est en proie à de nombreuses instabilités géopolitiques notamment dans les grandes régions productrices de pétrole comme le Moyen-Orient et l’Afrique Accroissement de la demande issue de marchés à très forte croissance comme la Chine (la consommation de pétrole y a doublé en dix ans) ou l’Inde qui se traduit notamment par une augmentation inquiétante du nombre de véhicules. Ainsi, on estime qu’il existe aujourd’hui près d’un milliard de véhicules dans le monde. Or, de 1955 à 2005, l’augmentation de leur nombre a été environ trois fois plus rapide que la croissance de la population!
Une autre raison majeure concerne la détérioration lente et inexorable du dollar face à l’euro. De plus, ce sont toutes les matières premières qui subissent cette envolée de plus de 50% depuis quelques mois. Les records atteints par les cours des matières premières sont d’abord dus à la demande des pays émergents, la Chine en tête. L’once de métal jaune a atteint, jeudi 3 janvier, sur le marché londonien, 863,11 dollars, le cours le plus élevé de son histoire. Son précédent record (850 dollars) remontait au 21 janvier 1980, et à 33 dollars en 1971, époque à laquelle le président Nixon décide de «faire flotter le dollar». Nous le voyons aussi avec les produits agricoles où, curieusement, aucune publicité n’est faite. Attirés par l’appât du gain, fonds de pension et hedge funds contribuent à l’accélération des prix. Les spéculateurs contribuent à accélérer la hausse. Que ce soit pour les métaux, l’énergie ou les denrées agricoles, la spéculation financière n’est certainement pas étrangère à la violence des chocs, considère Alexandre Mirlicourtois. Les spéculateurs, hedge funds et fonds de pension en tête, sont présents sur tous les marchés, actions, de change ou de la dette. Ils sont d’autant plus présents sur le pétrole ou le blé aujourd’hui que les places boursières et les marchés du crédit sont perturbés par la crise du subprime.(1)
Selon Manfred Kriener, ce ne sont pas les spéculations sur le marché de l’énergie ou les «distorsions géopolitiques» qui auraient fait exploser le cours du pétrole. «Les fournisseurs ont du mal à satisfaire la hausse de la demande. La production est proche de son point culminant, le tristement célèbre pic pétrolier, et commencera à fléchir après 2010. Le monde n’est pas préparé à un tel événement. Le cours du pétrole pourrait atteindre 200 dollars, une somme qui semble aujourd’hui inimaginable. Il y a un an, on pensait la même chose lorsqu’on évoquait un cours à 100 dollars.»(2).
Le deuxième sujet qui intéresse directement les Algériens concerne l’état des réserves des hydrocarbures. Il est admis que les réserves déclarées par les Etats et même par certaines compagnies sont surévaluées. Discrètement admise depuis toujours par les connaisseurs du monde pétrolier, la falsification des données officielles sur les réserves de pétrole encore disponibles est générale et systématique, dénonce l’Aspo. L’Aspo met le monde en garde: le peak oil entraînera un choc pétrolier permanent aux conséquences vertigineuses.
«Aujourd’hui, je crois que le peak oil ne pourra être correctement prédit qu’une fois qu’il aura déjà eu lieu. Ce qui est certain, c’est qu’il va arriver». Le géologue Laherrère précise: «Aujourd’hui, il est impossible pour un pétro-géologue de parler ouvertement du peak oil s’il n’est pas à la retraite. 46% des réserves du Moyen-Orient seraient "douteuses" D’après les données de référence reprises par le groupe anglais BP dans son rapport 2003 sur l’énergie mondiale, l’Arabie Saoudite est passée, entre 1985 et 1990, de 169 milliards de barils de réserves "prouvées" de pétrole conventionnel à...258 milliards, soit 50% de plus! Tous les principaux pays producteurs de l’Opep sont dans la même situation: Abu Dhabi (30 milliards de barils déclarés en 1985 contre 92 milliards en 1988), Iran (48 milliards en 1985, 92 milliards en 1988), Irak (44 milliards en 1985, 100 milliards en 1988), etc. Le tout sans qu’aucune découverte significative de nouveaux champs pétrolifères n’ait eu lieu dans ces pays au cours de la période...Au total, selon Colin Campbell, de l’Aspo, 46% des ressources actuelles déclarées par les principaux pays de l’Opep sont "douteuses, sinon fausses"».
Des réserves «prouvées» bien subjectives.
Les chiffres officiels sur les réserves «restant à découvrir» sont exprimés à travers trois valeurs différentes, appelées F95, F50 et F5. La première indique la quantité de pétrole disponible avec une probabilité de 95%, la seconde avec une probabilité de 50%, la troisième avec 5%. Pour l’Algérie, les données de référence publiées par l’organisme officiel américain USGS (United States Geological Survey) indiquent que ce pays a: 95% de chances de découvrir encore 1,7 milliard de barils de pétrole conventionnel; 50% de chances de découvrir 6,9 milliards de barils; 5% de chances d’en découvrir 16,3 milliards. Or, dans les rapports sur lesquels s’appuient les gouvernements, les banques ou les actionnaires, on ne retient en général qu’une valeur médiane, appelée «Mean», entre les trois niveaux de probabilité. Pour l’Algérie, cela donne 7,7 milliards de barils. Peu importe qu’un rapport de presque 1 à 10 sépare F95 et F5.(3). Selon le rapport récent de la «Colorado School of Mines» intitulé «The World`s Giant Oilfields», «les 120 champs pétrolifères les plus importants produisent près de 33 millions de barils par jour, soit presque 50% de l’offre brute mondiale. Plus de 20% de la production proviennent des quatorze premiers champs. L’âge moyen de ces quatorze premiers champs est de 43,5 ans». «La plupart des champs géants ont été découverts il y a plusieurs décennies déjà.» Bien que les principales compagnies pétrolières aient investi des centaines de milliards de dollars ces 20 dernières années, les résultats ont déçu de manière alarmante. Les principales compagnies pétrolières mondiales? ExxonMobil, Shell, Chevron-Texaco, BP, ElfTotal et d’autres ont investi des centaines de milliards de dollars afin de trouver assez de pétrole pour remplacer les puits existants. De 1996 à 1999, 145 compagnies ont dépensé 410 milliards de dollars pour que leurs découvertes de champs pétrolifères leur permettent de maintenir leur production journalière à 30 millions de barils par jour. De 1999 à 2002, les cinq premières compagnies ont dépensé 150 milliards de dollars et leur production n’est passée que de 16 millions à 16,6 millions de barils par jour, augmentation dérisoire.(4)
Il est vrai, comme le pense monsieur Abdelmadjid Attar, ancien P-DG de Sonatrach, ancien ministre, qu’à ce rythme d’exploitation nous en aurons que pour 18 ans. Si on ne fait rien, nous pourrons aller vers un point de non-retour et peut-être que le peak oil est derrière nous. Il est vrai aussi, comme le dit le ministre de l’Energie et des Mines, président en exercice de l’Opep, le Sahara peut receler des surprises. Ce qui est pratiquement sûr est que l’on ne découvrira pas un second Hassi Messaoud ou un second Hass R’mel. Notre densité de forages est faible «on est très loin de la moyenne mondiale, 100 puits par 10.000 kilomètres carrés.» Il y a donc du pétrole à découvrir. Un potentiel de 28 milliards de baril. Rien n’est moins certain qu’un potentiel. De plus, l’Algérie de 2030 c’est 50 millions d’habitants au minimum et au «fil de l’eau» c’est 50 millions de t.e.p. D’où allons-nous les chercher? Une étude de l’AIE de novembre 2006, ne parle plus de l’Opep comme pays exportateur après 2030, la production plafonnerait à 0,7 million de barils/jour, insuffisants pour subvenir à nos besoins.(5)
La situation du gaz, en l’absence de découvertes majeures, sera aussi préoccupante dans 25 ans à ce rythme d’exploitation qui atteindra les 100 milliards de volume d’exportation, sans compter les 20 milliards de m3 de demande intérieure à cet horizon. En 2030, il faudrait produire 60 tWh. Les centrales fonctionneront-elles au gaz naturel à l’uranium ou seront-elles des centrales électro-solaires? Autant d’interrogations actuellement sans réponse.
Le moment est plus que venu de faire un break et de savoir où l’on va. Il nous faut prendre des décisions courageuses qui ne compromettent pas l’avenir des prochaines générations. Notre meilleure banque, c’est encore notre sous-sol et, contrairement aux 120 milliards de dollars qui se déprécient journellement, le pétrole et le gaz dans le sous-sol sont comme l’or, leur prix n’ira qu’en augmentant. Nous devons, par simple bon sens, freiner ce pompage. J’en appelle à des «Etats généraux» pour un cap énergétique de l’Algérie. Nous n’en sommes pas aux polémiques. Nous devons penser aux générations futures. Elles sont partie prenante et devraient d’une façon ou une autre donner leur avis. Tous les départements ministériels à des degrés divers devraient participer, notamment le ministère de l’Environnement et celui de l’Energie et des Mines: les chevilles ouvrières de la nouvelle vision à imprimer en vue d’arriver véritablement à une stratégie constamment adaptable à la conjoncture et aux convulsions du monde.
* Ecole nationale polytechnique
* Ecole d´ingénieurs de Toulouse
1.L’Expansion 13/09/2007, Les spéculateurs font-ils flamber le blé et le pétrole?
2.Manfred Kriener, Die tageszeitung dans Courrier International du 3 janvier 2008.
3.Matthieu Auzanneau, Les réserves de pétrole sont dangereusement surévaluées, dénonce un groupe d’experts http://www.dossiersdunet.com/spip.php?article129 9 avril 2004,
4.Pétrole bon marché, déjà le début de la fin http://forum.hardware.fr/hfr/Discussions/Sciences/petrole-marche-debut-sujet_25899_1.htm
5.World Energy Outlook Novembre 2006
Pr Chems Eddine CHITOUR in http://www.lexpressiondz.com/
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