Mira Naporowska, artiste peintre
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Mira Naporowska, artiste peintre
Une amazone de la paix
Nimbée de cette blondeur slave chantée par Louis Aragon, Mira Naporowska mère de Karim et Sofiane, semble bien enracinée dans ce pays de lumière où «le vert des arbres est moins profond qu’à Poznan».
Un jour, l’œil bleu de Mira s’est ouvert sur la baie d’Alger. Et c’est comme si l’Algérie s’était regardée dans les eaux calmes, trop calmes, d’un lac de montagne. Loin des poubelles éventrées, des victimes ensanglantées, des bidonvilles et des luttes sociales, l’Algérie de Mira semble prise dans le gel d’une lumière éternelle.
Casbah aux mille venelles, Constantine massive et suspendue, mausolées immaculés du Sud, nids d’aigle de Kabylie, Bou-Saâda, Biskra, Tamanrasset, Ghardaïa… Autant de visages d’une Algérie millénaire qui s’est emparée de la palette de celle qui ne peut plus rien peindre d’autre. Des villes presque vides, des paysages aérés, des visages, beaucoup de visages. Des personnages de toutes les régions dans leurs costumes traditionnels. Est-ce une image des ancêtres ? Attentifs, tristes… «C’est une question d’interprétation personnelle ! Les œuvres d’art sont un champ ouvert à toutes les lectures», répond l’artiste qui promène sa haute silhouette d’amazone entre les rangées de ses toiles exposées à l’Hôtel Aurassi.
Pourtant est-ce un hasard si c’est dans l’année 1992/1993, quand les hordes de la mort fauchaient d’abondance, que l’artiste a commencé à peindre cette Algérie ? Elle dont le pinceau, jusque-là surréaliste, jetait un pont entre ses mondes intérieurs et extérieurs ? Est-ce à s’y réfugier ou à sa propre préservation qu’appelle cette plate Algérie d’huile sur toile tellement différente de l’autre, tourbillonnante de sang et d’acier ? Est-ce là la thérapie que l’artiste venue de Pologne s’applique dorénavant à partager avec ses compatriotes adoptifs ? Villages haut perchés, cavalcades sahariennes, Palais ottomans sur mer bleue, rouleuses de couscous et porteuses d’eau, tous ont survécu à une histoire tourmentée. « Je ne veux pas peindre les atrocités mais la beauté. », dit Mira dont le regard s’obscurcit en évoquant toutes les victimes innocentes souvent mortes dans un anonymat négateur.
«L’art est une aventure formidable»
«Il est une communication non verbale des cœurs. En l’artiste une pensée prend peu à peu du volume. Puis l’artiste doit la projeter à l’extérieur. Cette forme doit être expulsée, sortir, se concrétiser. Parfois c’est la seule manière de dépasser des pulsions même négatives, de les transformer en quelque chose d’esthétique. Ensuite on partage cette création et cela devient un acte social. J’ai toujours quelque chose en chantier… Il y a tellement de choses à peindre…»
Cet acte reconstructeur de l’art, Mira l’a directement expérimenté. A partir de l’esquisse d’un architecte, elle a reconstruit par le pinceau un pan de la Casbah qui n’existe plus, vaincu par la vétusté et l’incompétence des hommes. Ce tableau elle l’a offert au gouverneur d’Alger. «A chacun ses combats », répète Mira, dont cela semble avoir été une manière généreuse d’interpeller les pouvoirs publics. Pendant sa période Casbah qui a débuté le cycle Algérie, « les gens, après avoir reconnu leur quartier, revenaient avec d’anciennes photos à faire revivre sur la toile». A défaut de pouvoir sauver les lieux dans la réalité. Qui sait, les peintures de Mira participeront peut-être un jour au sauvetage de la vieille citadelle?
Nimbée de cette blondeur des Slaves, chantée par Louis Aragon, Mira Naporowska mère de Karim et Sofiane, semble bien enracinée dans ce pays de lumière où «le vert des arbres est moins profond qu’à Poznan».
Poznan
Une très vieille ville, considérée comme le berceau de la nation polonaise. C’est là qu’est née et a grandi la petite Mira-Slava, cadette d’une fratrie de trois filles et d’un garçon. « Mira veut dire la paix, Slava c’est la célébrité. J’ai gardé la paix» dit en riant celle qui ponctue ses propos de force gestes. Ses bagues jettent des éclairs. Celle-ci, lourde, sertie de rubis : «Un souvenir de ma belle-mère qui n’est plus.» L’autre, deux saphirs cerclés d’éclats de diamants : «Ce sont mes fils qui me l’ont offerte, je ne la quitte jamais … Sinon j’adore les bijoux d’argent traditionnels aux formes épurées.» L’épure et la couleur semblent être son credo esthétique. Qui d’autre pouvait oser l’orange vif d’un tee-shirt et le rose d’une écharpe ? Un bonheur.
Poznan. Un regard sur ses anciens tableaux nous fait découvrir des forêts profondes, des rivières et des lacs. Un monde qui évoque irrésistiblement elfes, sorcières, fées et autres créatures d’un univers sombre, mi-végétal mi-liquide… Pourtant, Mira déclare ne s’être jamais identifiée, enfant, à une princesse inaccessible. Toute son admiration elle l’a vouée à son père, infatigable activiste social et maire de leur communauté.
Cet incessant combat paternel pour concrétiser des idéaux de justice et d’humanisme la marque tellement, qu’à 14 ans, elle est déjà responsable d’une association de jeunesse… C’est également à l’adolescence que son option pour la peinture est confirmée par un système scolaire très à cheval sur la découverte et la préservation des dons artistiques de chaque élève.
Les yeux pétillants, elle secoue une pudeur naturelle pour décrire celui qui jamais n’a hésité à faire le bien. «Un jour, il a ramené à la maison une mammy de 90 ans, aveugle et rejetée par son fils, qui nous a dorénavant servi de grand-mère et qui a vécu jusqu’à 100 ans!» lâche-t-elle avec émotion. Un père qui en raison de la guerre rattrapait ses lacunes sur les mêmes bancs d’école que sa fille. Mais alors comment supporte-t-on la séparation d’avec une famille et un peuple célèbres pour la richesse de leur culture et la chaleur de l’âme ? « Et bien quand la nostalgie devient trop forte je prends l’avion ! » Pour mieux revenir.
L’Algérie, on y revient
«Ses fils d’adoption connaissent cette force indéfinissable qui les y ramène.» Un envoûtement. « Et puis, j’ai des liens de sang. Les enfants c’est la plus importante des créations, celle qui nous vient du Tout-Puissant, et devant laquelle toutes les autres sont secondaires.» Son nouveau pays, il fut un temps où elle ne savait même pas le situer sur une carte. Elle découvre l’émir Abd-El-Kader par l’hommage que lui rend Norwig, un poète polonais. La lecture d’un roman traduit de Mohamed Dib lui entrouvre un peu plus un univers lointain, «mais dont la morale fondamentale est la même, et le sens de la famille…» «Mon coup de cœur pour un Algérien s’est transformé en coup de cœur pour tout le pays.» Mira confie que ses contacts avec la population et les artistes comme Momo de la Casbah ont approfondi sa perception première. Dinet, Khadda, Issiakhem, Ali-Khodja … ce sont les piliers dont elle se réclame, ceux qui font qu’une école algérienne de la peinture existe. Un regard sur le CD que l’artiste nous a gentiment offert, nous fait découvrir des centaines d’œuvres, qui narrent un parcours des plus prolifiques. Après des années de peinture surréaliste d’une grande beauté, plus d’une décennie d’œuvres figuratives, huile sur toile ou au couteau avec toujours le même thème : l’Algérie. Parmi ces œuvres limpides, «Alger, au rythme» est habitée par un mouvement harmonieux et vif. Sur un fond ocre, brun et or à dominante verte où l’on devine des silhouettes enturbannées, une danseuse rouge à écharpe blanche. Elle baisse les yeux, portée par le rythme d’un Bendaïr dont on joue à hauteur de son visage. Plus bas, une autre femme joue de la derbouka. Cette toile conte bien des choses : Jdib, collectivité des rêves, percussions spiralées des villes d’Afrique, chants exaltés et pas retenus… «Je peins beaucoup de femmes en hommage à celles qui donnent la vie..» Une lecture de son C.V montre que la modestie de l’artiste nous a caché bien des choses. Un roman «Mirage de la vie», préfacé par Himoud Brahimi (Momo de la Casbah), publié en 1996. Une activité de conférencière et des articles spécialisés qui l’ont menée à intervenir sur les relations entre l’art et la vie, aussi bien en Algérie qu’en Pologne, en France, aux Etats-Unis…«Maintenant ce sont mes œuvres qui voyagent…» sourit-elle. En Algérie et à travers le monde, lui conférant le rôle d’ambassadrice. Comment elle s’en sort ? «Au début je me suis occupée uniquement de ma famille, puis un jour j’ai repris mes crayons ! Quand on est une femme, on peut tout conjuguer !»
Karimène Toubbiya (http://www.lemidi-dz.com)
Nimbée de cette blondeur slave chantée par Louis Aragon, Mira Naporowska mère de Karim et Sofiane, semble bien enracinée dans ce pays de lumière où «le vert des arbres est moins profond qu’à Poznan».
Un jour, l’œil bleu de Mira s’est ouvert sur la baie d’Alger. Et c’est comme si l’Algérie s’était regardée dans les eaux calmes, trop calmes, d’un lac de montagne. Loin des poubelles éventrées, des victimes ensanglantées, des bidonvilles et des luttes sociales, l’Algérie de Mira semble prise dans le gel d’une lumière éternelle.
Casbah aux mille venelles, Constantine massive et suspendue, mausolées immaculés du Sud, nids d’aigle de Kabylie, Bou-Saâda, Biskra, Tamanrasset, Ghardaïa… Autant de visages d’une Algérie millénaire qui s’est emparée de la palette de celle qui ne peut plus rien peindre d’autre. Des villes presque vides, des paysages aérés, des visages, beaucoup de visages. Des personnages de toutes les régions dans leurs costumes traditionnels. Est-ce une image des ancêtres ? Attentifs, tristes… «C’est une question d’interprétation personnelle ! Les œuvres d’art sont un champ ouvert à toutes les lectures», répond l’artiste qui promène sa haute silhouette d’amazone entre les rangées de ses toiles exposées à l’Hôtel Aurassi.
Pourtant est-ce un hasard si c’est dans l’année 1992/1993, quand les hordes de la mort fauchaient d’abondance, que l’artiste a commencé à peindre cette Algérie ? Elle dont le pinceau, jusque-là surréaliste, jetait un pont entre ses mondes intérieurs et extérieurs ? Est-ce à s’y réfugier ou à sa propre préservation qu’appelle cette plate Algérie d’huile sur toile tellement différente de l’autre, tourbillonnante de sang et d’acier ? Est-ce là la thérapie que l’artiste venue de Pologne s’applique dorénavant à partager avec ses compatriotes adoptifs ? Villages haut perchés, cavalcades sahariennes, Palais ottomans sur mer bleue, rouleuses de couscous et porteuses d’eau, tous ont survécu à une histoire tourmentée. « Je ne veux pas peindre les atrocités mais la beauté. », dit Mira dont le regard s’obscurcit en évoquant toutes les victimes innocentes souvent mortes dans un anonymat négateur.
«L’art est une aventure formidable»
«Il est une communication non verbale des cœurs. En l’artiste une pensée prend peu à peu du volume. Puis l’artiste doit la projeter à l’extérieur. Cette forme doit être expulsée, sortir, se concrétiser. Parfois c’est la seule manière de dépasser des pulsions même négatives, de les transformer en quelque chose d’esthétique. Ensuite on partage cette création et cela devient un acte social. J’ai toujours quelque chose en chantier… Il y a tellement de choses à peindre…»
Cet acte reconstructeur de l’art, Mira l’a directement expérimenté. A partir de l’esquisse d’un architecte, elle a reconstruit par le pinceau un pan de la Casbah qui n’existe plus, vaincu par la vétusté et l’incompétence des hommes. Ce tableau elle l’a offert au gouverneur d’Alger. «A chacun ses combats », répète Mira, dont cela semble avoir été une manière généreuse d’interpeller les pouvoirs publics. Pendant sa période Casbah qui a débuté le cycle Algérie, « les gens, après avoir reconnu leur quartier, revenaient avec d’anciennes photos à faire revivre sur la toile». A défaut de pouvoir sauver les lieux dans la réalité. Qui sait, les peintures de Mira participeront peut-être un jour au sauvetage de la vieille citadelle?
Nimbée de cette blondeur des Slaves, chantée par Louis Aragon, Mira Naporowska mère de Karim et Sofiane, semble bien enracinée dans ce pays de lumière où «le vert des arbres est moins profond qu’à Poznan».
Poznan
Une très vieille ville, considérée comme le berceau de la nation polonaise. C’est là qu’est née et a grandi la petite Mira-Slava, cadette d’une fratrie de trois filles et d’un garçon. « Mira veut dire la paix, Slava c’est la célébrité. J’ai gardé la paix» dit en riant celle qui ponctue ses propos de force gestes. Ses bagues jettent des éclairs. Celle-ci, lourde, sertie de rubis : «Un souvenir de ma belle-mère qui n’est plus.» L’autre, deux saphirs cerclés d’éclats de diamants : «Ce sont mes fils qui me l’ont offerte, je ne la quitte jamais … Sinon j’adore les bijoux d’argent traditionnels aux formes épurées.» L’épure et la couleur semblent être son credo esthétique. Qui d’autre pouvait oser l’orange vif d’un tee-shirt et le rose d’une écharpe ? Un bonheur.
Poznan. Un regard sur ses anciens tableaux nous fait découvrir des forêts profondes, des rivières et des lacs. Un monde qui évoque irrésistiblement elfes, sorcières, fées et autres créatures d’un univers sombre, mi-végétal mi-liquide… Pourtant, Mira déclare ne s’être jamais identifiée, enfant, à une princesse inaccessible. Toute son admiration elle l’a vouée à son père, infatigable activiste social et maire de leur communauté.
Cet incessant combat paternel pour concrétiser des idéaux de justice et d’humanisme la marque tellement, qu’à 14 ans, elle est déjà responsable d’une association de jeunesse… C’est également à l’adolescence que son option pour la peinture est confirmée par un système scolaire très à cheval sur la découverte et la préservation des dons artistiques de chaque élève.
Les yeux pétillants, elle secoue une pudeur naturelle pour décrire celui qui jamais n’a hésité à faire le bien. «Un jour, il a ramené à la maison une mammy de 90 ans, aveugle et rejetée par son fils, qui nous a dorénavant servi de grand-mère et qui a vécu jusqu’à 100 ans!» lâche-t-elle avec émotion. Un père qui en raison de la guerre rattrapait ses lacunes sur les mêmes bancs d’école que sa fille. Mais alors comment supporte-t-on la séparation d’avec une famille et un peuple célèbres pour la richesse de leur culture et la chaleur de l’âme ? « Et bien quand la nostalgie devient trop forte je prends l’avion ! » Pour mieux revenir.
L’Algérie, on y revient
«Ses fils d’adoption connaissent cette force indéfinissable qui les y ramène.» Un envoûtement. « Et puis, j’ai des liens de sang. Les enfants c’est la plus importante des créations, celle qui nous vient du Tout-Puissant, et devant laquelle toutes les autres sont secondaires.» Son nouveau pays, il fut un temps où elle ne savait même pas le situer sur une carte. Elle découvre l’émir Abd-El-Kader par l’hommage que lui rend Norwig, un poète polonais. La lecture d’un roman traduit de Mohamed Dib lui entrouvre un peu plus un univers lointain, «mais dont la morale fondamentale est la même, et le sens de la famille…» «Mon coup de cœur pour un Algérien s’est transformé en coup de cœur pour tout le pays.» Mira confie que ses contacts avec la population et les artistes comme Momo de la Casbah ont approfondi sa perception première. Dinet, Khadda, Issiakhem, Ali-Khodja … ce sont les piliers dont elle se réclame, ceux qui font qu’une école algérienne de la peinture existe. Un regard sur le CD que l’artiste nous a gentiment offert, nous fait découvrir des centaines d’œuvres, qui narrent un parcours des plus prolifiques. Après des années de peinture surréaliste d’une grande beauté, plus d’une décennie d’œuvres figuratives, huile sur toile ou au couteau avec toujours le même thème : l’Algérie. Parmi ces œuvres limpides, «Alger, au rythme» est habitée par un mouvement harmonieux et vif. Sur un fond ocre, brun et or à dominante verte où l’on devine des silhouettes enturbannées, une danseuse rouge à écharpe blanche. Elle baisse les yeux, portée par le rythme d’un Bendaïr dont on joue à hauteur de son visage. Plus bas, une autre femme joue de la derbouka. Cette toile conte bien des choses : Jdib, collectivité des rêves, percussions spiralées des villes d’Afrique, chants exaltés et pas retenus… «Je peins beaucoup de femmes en hommage à celles qui donnent la vie..» Une lecture de son C.V montre que la modestie de l’artiste nous a caché bien des choses. Un roman «Mirage de la vie», préfacé par Himoud Brahimi (Momo de la Casbah), publié en 1996. Une activité de conférencière et des articles spécialisés qui l’ont menée à intervenir sur les relations entre l’art et la vie, aussi bien en Algérie qu’en Pologne, en France, aux Etats-Unis…«Maintenant ce sont mes œuvres qui voyagent…» sourit-elle. En Algérie et à travers le monde, lui conférant le rôle d’ambassadrice. Comment elle s’en sort ? «Au début je me suis occupée uniquement de ma famille, puis un jour j’ai repris mes crayons ! Quand on est une femme, on peut tout conjuguer !»
Karimène Toubbiya (http://www.lemidi-dz.com)
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